
"Le plus grand coup porté au fonctionnement de la démocratie depuis les lois d’exceptions pendant la guerre d’Algérie." A l’image de Gilles Babinet, responsable des enjeux du numérique pour la France auprès de la Commission européenne et Président du Conseil national du numérique - organisme consultatif rattaché à Bercy – une grande majorité des professionnels du net se sont publiquement prononcés, souvent avec véhémence, contre l’article 13 de la loi de programmation militaire, traitant de la surveillance numérique. Revue en 5 points de ce qui effraie les acteurs du Web.
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De nouvelles missions pour la surveillance électronique.
Le texte adopté au Sénat permet la collecte des données numériques dans
un grand nombre de situations, quand elle était jusqu'à présent
cantonnée à la lutte contre le terrorisme. Si certaines ne posent pas de
problèmes (lutte contre la délinquance ou la criminalité organisée),
d’autres semblent plus floues, telles que la "préservation du potentiel
scientifique et économique de la France".
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L'élargissement de la liste des ministères ayant accès aux données des internautes.
Jusqu’à présent, seuls les ministères en charge de la Défense, de
l’Intérieur et des Douanes pouvaient collecter ces données. Désormais,
il faudra y ajouter les ministères de l’Economie et du Budget.
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L'extension de la liste des acteurs pouvant être sollicités pour fournir les données.
Dans le cadre des textes actuellement en vigueur, les fournisseurs
d’accès à internet (Free, Orange, etc.) étaient quasiment les seuls
acteurs sollicités pour recueillir les données. Le nouveau texte prévoit
que les hébergeurs de contenus (Youtube, Dailymotion, etc.) le soient
aussi.
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La possibilité d’une collecte de données en temps réel.
La mention dans le texte de loi d’une possibilité de collecte "en temps
réel" par la "sollicitation des réseaux" inquiète également les
professionnels du web, de par sa formulation permettent plusieurs
interprétations. Ainsi, l’Association des sites communautaires (ASIC),
qui regroupe des entreprises telles que Deezer ou Facebook, s’est
publiquement demandée si cela n’ouvrait pas la porte à l’installation
par les autorités de dispositifs d'interception directement sur les
équipements des entreprises d'Internet, comme, par exemple, des
mouchards sur les antennes relais.
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L’absence de recours à un juge. C’est sans aucun
doute le principal point d’achoppement. Dorénavant, les demandes
d‘interception de données par l’administration ne seront plus soumises à
l’aval d’un juge, mais simplement à une autorisation délivrée par une
"personnalité qualifiée", nommée par la Commission nationale de contrôle
des interceptions de sécurité (CNCIS), sur proposition du Premier
ministre. Pour les opposants au texte, cela offre un large pouvoir aux
acteurs administratifs, sans contre pouvoir réel. Ainsi, dans une interview aux "Echos",
Gilles Babinet explique : "Je n’ai pas de problème à ce que l’on aille
fouiller dans la vie des gangsters. Encore faut-il savoir qui est celui
qui désigne le gangster, et il faut que cela soit un juge. En aucun cas,
il ne faut donner un blanc-seing aux militaires et à d’autres pour
écouter tout et tout le monde en temps réel. Nous sommes à deux doigts
de la dictature numérique."
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